Sous la tente

Chaque semaine, ou presque, je vous propose de nous retrouver le temps d'une nuit sous la tente, point de départ et prétexte à une évasion, à un retour à la nature sous toutes ses formes.

image_author_Louis_Cassagnes
Par Louis Cassagnes
16 avr. · 4 mn à lire
Partager cet article :

Sainte-Baume : promontoire sur la Provence

Cette semaine, direction le sud et le massif de la Sainte-Baume, un balcon de calcaire sur la Méditerranée, lieu de prières, lieu de vieilles pierres.

La semaine dernière, j’ai voulu m’aérer l’esprit dans ma seconde maison d’écrivain, à Saint-Raphaël. L’occasion de coucher quelques mots sur le papier et quelques bûches dans la cheminée, de laisser se perdre le regard dans la contemplation d’une piscine dont la brochure vante les teintes cérulées et dont le pisciniste s’échine à vouloir illustrer la palette végétale.

Je trouvais dans cette piscine familiale des reflets échos de mes pensées. Lisse et velours au matin, chatoyante par moments en journée, trouble le soir. L’hiver et les orages ayant dévêtu les branches alentour, un millier de feuilles en tapisse la surface, lui conférant relief et opacité. Chaque feuille libre de ses propres mouvements, tantôt enserrée dans la masse, tantôt délivrée, tantôt s’éloignant du bord, tantôt bousculant ses sœurs. Un puzzle à mille pièces, chacune parfaitement identique aux autres, chacune parfaitement unique, comme les mille nuances de notre âme qu’il nous faut apprendre à différencier.

Projet de vie simple, routine nécessaire : chaque jour draguer la profondeur de ses eaux pour y remuer la couche des pensées rendues humus par le temps et l’eau, les remonter à la surface pour les faire s’aérer, faire le tri et déposer sur la grêve les agglomérats inutiles.

Après quelques journées de ce manège sisyphien, la piscine avait retrouvé sa fluidité et l’esprit, ainsi apaisé, dictait au corps de se remettre en mouvement. Le regard portait à l’ouest, vers Marseille, vers la Sainte-Baume. Cette fine ligne de crête, sorte de reste de Pyrénées qui un jour se décrocha et dériva pour venir se placer juste au nord de la Méditerranée, à quelques kilomètres de la côte. Le massif agit en parfait miroir de la Sainte Victoire qui lui fait face une vingtaine de kilomètres plus au nord, tous deux monticules de calcaire pérorant à 1000 mètres au-dessus des eaux. Entre eux, un matelas de verdure d’où affleure l’A8, vilaine balafre de bitume ensanglantant la nature de Nice à Marseille.

...